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Un petit régime en phosphore? Pas de problème, nos poulets s'adaptent!

Auteurs : Anne-Sophie Valable, Piterson Floradin, Laeticia Cloutier et Marie-Pierre Létourneau Montminy

Article publié dans Nouvailes, Septembre 2023, Numéro 25, Pages 47 à 49


Pour réduire l’impact environnemental de nos élevages, il est important d’alimenter précisément nos poulets, c’est-à-dire en limitant les excès de nutriments, dont le phosphore (P). Sachant en plus que nos poulets utilisent peu le phosphore des grains consommés, du phosphore doit être ajouté dans l’aliment, ce dernier provenant en partie ou en totalité de la roche phosphatée, une ressource non renouvelable limitée. En effet, dans le contexte européen notamment et dans les aliments tout végétal, les farines animales, une source durable de P, ne sont pas permises. Le phosphore peut donc engendrer non seulement des coûts importants, mais lorsqu’apporté en excès dans l’alimentation, il constitue un polluant majeur des écosystèmes aquatiques. Dans un contexte de production durable, il est nécessaire de trouver des stratégies alimentaires pour maîtriser les apports de phosphore et limiter son excrétion dans l’environnement, tout en maintenant des performances de croissance optimales chez les animaux.


Un petit régime en phosphore…

Plusieurs travaux réalisés en nutrition avicole au cours des dernières années ont montré qu’il est possible de diminuer de 20 % à 30 % les apports de phosphore et calcium pour l’ensemble de l’élevage, sans affecter les performances de croissance, par l’utilisation d’une stratégie de « déplétionréplétion ». Ceci en raison des régulations phosphocalciques qui visent à maintenir les niveaux sanguins stables, ce qui est vital.


De précédentes études ont montré que l’usage de cette stratégie chez le poulet a le potentiel d’augmenter de 15 à 35% le taux d’absorption du phosphore et de réduire les rejets de 40 à 60%. Cependant, son effet sur la récupération des pertes osseuses n’est pas clairement observé dans l’ensemble des études, certaines observant un rattrapage complet du déficit osseux à la fin de la phase de réplétion et d’autres non. Il semblerait que la capacité des animaux à compenser les pertes de minéralisation osseuse dépend de plusieurs facteurs tels que l’âge, les niveaux d’apports de phosphore et de calcium alimentaires, le moment de la mise en place de la déplétion ou de la réplétion et du type d’os analysé.


Qu’est qu’une stratégie de « déplétion-réplétion » ?

Cela consiste en une phase de réduction des apports nutritionnels en phosphore et calcium, visant à déclencher des mécanismes d’adaptation physiologiques pour augmenter l’utilisation du phosphore et du calcium dite « déplétion » par une augmentation de l’absorption par exemple. S’ensuit une phase de compensation où les apports de phosphore coïncident ou excèdent les besoins pour permettre la récupération des pertes engendrées par la déplétion soit une phase dite de « réplétion ».


Pourquoi parle-t-on toujours du besoin en phosphore et calcium?

Il existe différents liens entre ces deux minéraux. Au niveau de l’os, ils sont liés physiquement sous la forme d’hydroxyapatite, le dépôt d’un dépend d’un apport conjoint de l’autre sinon les excès sont excrétés dans l’urine. Au niveau intestinal, ils peuvent former des complexes insolubles Ca-phosphate et Ca-phytate limitant l’utilisation des deux minéraux par l’animal. Enfin, au niveau de leur homéostasie, mécanisme qui vise à maintenir des concentrations fixes nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme, ils sont régulés par les mêmes hormones. Ainsi, un débalancement dans un des deux minéraux va influencer l’utilisation de l’autre.


Planification de la stratégie déplétion-réplétion

Afin de planifier une stratégie de déplétion-réplétion optimale assurant à la fois le maintien de la minéralisation osseuse à l’abattage des poulets et la réduction des rejets en phosphore, les travaux réalisés par Anne-Sophie Valable, dans le cadre d’une cotutelle de thèse entre l’Université Laval au Canada et l’Université de Tours en France, ont testé l’effet des stratégies de baisse des apports de phosphore et calcium sur le rattrapage osseux chez les poulets (Figure 1). Le statut minéral osseux dans ces essais a été estimé par des méthodes classiques et par la détermination du contenu minéral osseux au moyen d’un ostéodensitomètre bi-énergétique à rayons X (DXA). L’efficacité d’utilisation digestive de phosphore a été évaluée par des mesures de digestibilité iléale et d’expression des transporteurs intestinaux.


Différentes stratégies de déplétion et réplétion ont ainsi été comparées. Pour la période de déplétion, la première stratégie consistait à réduire les apports en phosphore et calcium pendant les 8 premiers jours d’élevage (LLHL, Figure 1 jaune), les deux autres stratégies consistaient en des périodes plus courtes de déplétion soit pendant les 4 premiers jours seulement (LHHL, Figure 1 ocre) ou du 4e jour au 8e jour (HLHL, Figure 1 brun). Ensuite, l’ensemble des stratégies offraient une période de réplétion des jours 9 à 18 (H) puis certains terminaient avec une période plus faible lors des jours 19 à 33 (LLHL, LHHL et HLHL). L’ensemble de ces stratégies a été comparé à une stratégie d’apport standard (HHHH). Les périodes de déplétion représentaient des diminutions d’apports en phosphore par rapport aux recommandations actuelles variant de l’ordre de 20 à 40 % pour les phases de démarrage (jours 0 à 8) et de finition (jours 19 à 33).


Les résultats…

Les différentes stratégies de déplétion-réplétion testées dans l’essai n’ont pas modifié les performances de croissance, mais diminuaient de façon significative la minéralisation osseuse dans les phases de démarrage et de croissance. Cependant, sur la phase de finition, suite à des réplétions, le contenu minéral osseux du tibia était similaire pour tous les traitements (Figure 2). Ces résultats suggèrent que les animaux étaient capables de rattraper leur déficit de minéralisation osseuse malgré des périodes de déplétion.


Figure 2. Effet de la déplétion-réplétion en phosphore et calcium sur la teneur en cendres du tibia au jour 4 (régimes H vs L de 0 à 4 jours), au jour 8 (régimes HH et LH vs HL et LL de 4 à 8 jours), au jour 18 (régimes HHH, LHH, HLH et LLH de 8 à 18 jours), et au jour 33.


En ce qui concerne le moment de l’établissement de la déplétion, il convient de préciser que lorsqu’elle est appliquée tardivement (entre 10 et 21 jours; HLHL), elle ne permet pas d’adaptation métabolique comparativement à son application en phase de démarrage. En effet, les résultats ont montré qu’avec une déplétion initiale effectuée de 0 à 8 jours, les animaux pouvaient s’adapter à un aliment faible en phosphore. Une réduction subséquente des apports au cours de la phase finition (LLHL) n’affectait pas le statut minéral osseux à l’abattage et permettait une réduction maximale des rejets de P.


Conclusion

Nos résultats montrent que la stratégie de déplétion-réplétion représente une stratégie d’alimentation alternative efficace pour améliorer la durabilité des élevages de poulets de chair, notamment lorsqu’elles dépendent des phosphates minéraux. Ceci sera à valider en utilisant de la phytase microbienne et en suivant l’évolution de la minéralisation osseuse d’un même oiseau ce qui est maintenant possible au sein de l’équipe de recherche de Marie-Pierre Létourneau Montminy de l’Université Laval.



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