Compte rendu | Retour sur le Café-CRIPA du Centre de recherche en infectiologie porcine et avicole (CRIPA)
Auteure : Gabriela Silva-Guerra, agente de communication
Centre de recherche en infectiologie porcine et avicole (CRIPA)
Le Café-CRIPA, organisé par le Centre de recherche en infectiologie porcine et avicole (CRIPA), a remporté un franc succès avec sept conférences consacrées à des thématiques cruciales, notamment la biosécurité en élevages porcins et avicoles. Les experts invités ont abordé des sujets clés tels que la peste porcine africaine, le virus du syndrome reproducteur et respiratoire porcin, les perspectives de biosécurité régionale, ainsi que l'influenza aviaire et le métapneumovirus aviaire. Les présentations ont mis en lumière des pistes innovantes pour relever ces défis, démontrant ainsi l'engagement de la communauté scientifique envers le contrôle des maladies infectieuses animales.
Les défis de biosécurité en matière de peste porcine africaine : les recherches du Dr Claude Saegerman
Le Dr Claude Saegerman, de l’Université de Liège en Belgique, a présenté ses travaux sur la biosécurité en lien avec la peste porcine africaine, une maladie hautement contagieuse qui affecte les porcs, particulièrement dans les régions rurales. L'apparition de la peste porcine africaine dans un pays a des conséquences dévastatrices, notamment des pertes de marchés internationaux, une diminution de la population porcine due à la mortalité et une perte de confiance dans l'industrie. Le Dr Saegerman a souligné que les coûts varient selon les pays, en fonction de leur niveau d'organisation, de préparation et d'anticipation. D’ailleurs, une meilleure anticipation permet de réduire les coûts et d'améliorer les mesures de prévention.
La gestion de la peste porcine repose sur des mesures de biosécurité solides pour limiter les risques de transmission entre fermes, abattoirs et même à travers les frontières. Les mesures de biosécurité incluent la séparation des nouveaux animaux, la gestion des malades, la limitation des accès à la ferme et le contrôle strict des véhicules, équipements et personnes qui circulent. Il est crucial de mettre en place des mesures de contrôle aux frontières et dans les aéroports pour empêcher l'importation illégale de viande ou d'animaux infectés. De plus, une sensibilisation à grande échelle est nécessaire pour informer le public des risques d'introduction de la maladie.
« The biosecurity is not only for animals. The biosecurity is the implementation of the measure to reduce the risk of introduction and spread of the disease. The biosecurity measure needs a change of attitude and a change of behavior of the people that use, apply and implement it. »
Dr Claude Saegerman, Université de Liège, Belgique
Le Dr Saegerman a également insisté sur la nécessité de développer de nouveaux outils et technologies pour réagir rapidement aux épidémies. Enfin, il a souligné l'importance de la collaboration et de la communication entre différents secteurs pour renforcer les efforts de biosécurité.
Tendances actuelles du virus du syndrome reproducteur et respiratoire porcin aux États-Unis et facteurs potentiels liés à la transmission : un examen précis par le Dr Cesar Corzo
Le Dr Cesar Corzo, de l’Université du Minnesota aux États-Unis, a présenté un aperçu de ses travaux sur le virus du syndrome reproducteur et respiratoire porcin (SRRP), un virus à ARN qui circule dans les fermes et provoque des impacts à différents niveaux : local, régional et national. Aux États-Unis et au Canada, le SRRP de type 2 est prédominant.
Il a expliqué que l’un des principaux défis est la diversité, ainsi que les millions de porcs déplacés chaque jour, ce qui rend difficile le suivi précis et la compréhension de la source virale des multiples épidémies qui se produisent tout au long de l’année. Ces dernières, bien que souvent concentrées dans le temps et l’espace, le virus peut également affecter des fermes isolées. Cela soulève des questions sur les mécanismes de propagation du virus. Son analyse des fermes montre que certaines fermes n’ont jamais été touchées par le SRRP, tandis que d’autres se trouvent dans des zones à forte densité de porcs, ce qui entraîne une forte occurrence. D’ailleurs, ces fermes travaillent constamment à la stabilisation et au maintien d’un certain niveau d’immunité. Les producteurs continuent de travailler sur des mesures de biosécurité telles que la filtration de l’air pour empêcher ce virus d’entrer dans leurs troupeaux. Pourtant, ce virus est particulièrement apte à transformer et à échapper au système immunitaire, obligeant les producteurs et les vétérinaires à vacciner dans le but d’atténuer l’impact si le virus pénètre dans la ferme. La plupart des épidémies surviennent pendant les saisons d’automne et d’hiver, ce qui suggère qu’il existe un lien avec des activités saisonnières telles que la récolte du maïs et l’incorporation de fumier dans les champs.
Enfin, ses recherches démontrent que le virus reste viable sur les surfaces des fermes hébergeant des porcs positifs, ce qui souligne l’importance des procédures de sortie de ferme afin d’éviter la dissémination vers d’autres fermes. Bien que le Dr Corzo et son équipe aient beaucoup appris sur le SRRP, de nombreuses questions demeurent.
« If we stop looking, we're not going to get anywhere. It doesn't matter if we fil our result databases with a lot of PCR negative results. At least we know that we have looked. »
Dr Cesar Corzo, Université du Minnesota, États-Unis
La situation semble s’améliorer progressivement, mais les efforts doivent être redoublés pour mieux comprendre et contrôler la propagation du virus entre les élevages.
Perspectives sur la biosécurité au Québec après 25 années aux États-Unis : Le bon, le mauvais et le laid : les analyses du Dr Luc Dufresne
Le Dr Luc Dufresne, de SVLD Inc. et Demeter, a abordé les différences en matière de biosécurité entre les États-Unis et le Québec. Son analyse visait à comparer les pratiques de biosécurité et à identifier des pistes d'amélioration.
Aux États-Unis, la biosécurité dans les fermes porcines repose fortement sur des investissements dans les systèmes de filtration d'air, la gestion des transports et l'élimination des carcasses. Des technologies innovantes sont utilisées, comme la reconnaissance faciale pour limiter les entrées non autorisées et le géorepérage pour surveiller les déplacements des camions. Cependant, la situation présente des défis, notamment la variabilité des normes de biosécurité et les déplacements massifs d’animaux. De plus, la gestion des carcasses et des transports manque souvent de rigueur, ce qui peut propager des infections.
Au Québec, la situation présente des avantagestelle une meilleure régulation des déplacements entre provinces, réduisant ainsi l'introduction de nouvelles maladies. Cependant, il reste des défis, notamment les déplacements interrégionaux fréquents et le manque de stations de lavage et de séchage des camions. La biosécurité peut également varier d’une ferme à l’autre et des améliorations sont nécessaires pour les maternités et les transports d'animaux morts.
« Do the process, explain to people how to do it, but do it yourself to understand that you have a process that actually doesn't increase the biosecurity risk. »
Dr Luc Dufresne, Service Vétérinaire Inc., Canada
Les efforts doivent être intensifiés des deux côtés pour renforcer la biosécurité dans l'industrie porcine.
Grandeurs et maudites misères de la biosécurité régionale : les conclusions de l'étude du Dr Jean-Pierre Vaillancourt
Le Dr Jean-Pierre Vaillancourt, de l’Université de Montréal, a abordé l’importance de la biosécurité régionale, souvent négligée par les décideurs. Il a rappelé que les agriculteurs ont, depuis des siècles, su protéger leurs fermes, mais que l'industrialisation et la hausse de la densité des élevages augmentent les risques de propagation des maladies. Cette réalité s'applique autant aux porcs qu'aux volailles et nécessite une meilleure communication entre les différents acteurs du milieu agricole.
« With the increase of production, higher density, regional density, we now also have to focus on regional biosecurity, and that requires communication. That requires organization. »
Dr Jean-Pierre Vaillancourt, Université de Montréal, Canada
Des solutions existent déjà, notamment grâce aux nouvelles technologies qui permettent de surveiller les mouvements d'équipements, de véhicules et de personnes. Des systèmes comme Farm Health Guardian, par exemple, utilisent la géolocalisation pour suivre en temps réel les déplacements des véhicules et des individus, offrant aux producteurs des données encryptées sur les risques potentiels. Cependant, des obstacles subsistent, en particulier en ce qui concerne la volonté de partager ces données dans un contexte de biosécurité régionale. Aux États-Unis, les informations sur la production agricole sont plus accessibles aux acteurs de l’industrie qu’au Canada, où la confidentialité freine parfois les initiatives de biosécurité. Cela démontre l'importance d'améliorer la collaboration en termes de partage de données pour développer une biosécurité régionale efficace et minimiser les risques sanitaires dans l’industrie animale.
Influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) : Vaccination et surveillance : les observations du Dr Jean-Luc Guérin
Le Dr Jean-Luc Guérin, de l’École nationale vétérinaire de Toulouse en France, a partagé des observations sur la situation actuelle de l'influenza aviaire en France, insistant sur l’importance de la vaccination. Il a mis en avant le risque de propagation des virus de la grippe aviaire, notamment la souche H5 (clade 2.3.4.4.b de la lignée asiatique), qui a développé une capacité à voyager, traversant des continents entiers, notamment de l’Asie vers l’Europe et l’Afrique. Les oiseaux aquatiques, sauvages et domestiques, comme les canards, sont notamment touchés, mais les volailles telles que les poulets et les dindes sont également affectées. Sans oublier, bien sûr, les mammifères et les humains.
« The big problem with these avian viruses is the risk of adaptation to different types of mammals, including carnivores, marine mammals, and now, including bovine. »
Dr Jean-Luc Guérin, École nationale vétérinaire de Toulouse, France
En France, le virus a particulièrement frappé la production de canards dans le sud-ouest, ce qui a entraîné l’abattage de millions d’oiseaux. La production de canards mulards, cruciale pour l'industrie du foie gras, est particulièrement vulnérable en raison de l'élevage en plein air et des transports fréquents d’oiseaux entre fermes. En effet, la production de canards en France, qui représente 50 à 60 millions d'oiseaux élevés par an, est unique en son genre. La vaccination s'est imposée comme une solution complémentaire aux stratégies de biosécurité, bien qu'elle présente des défis en matière de surveillance et de détection de la circulation silencieuse du virus.
En France, cette stratégie de vaccination a été accompagnée d'un plan de surveillance rigoureux, avec des prélèvements et des tests PCR réguliers sur les animaux. Ce plan, d’un coût global annuel de l’ordre de 100 millions d’euros, a déjà montré des résultats encourageants : une réduction significative du nombre de foyers infectieux. Toutefois, le virus continue de circuler dans le monde et de nouvelles épidémies sont régulièrement signalées.
Mise à jour sur le métapneumovirus aviaire : Connaissance du terrain et diagnostics : une mise à jour du Dr Babak Sanei
Le Dr Babak Sanei, de Zoetis Inc., a présenté des informations récentes sur le métapneumovirus aviaire, qui peut causer des maladies respiratoires graves chez plusieurs espèces d'oiseaux. Les premiers cas ont été détectés aux États-Unis à la fin de l’année 2023. Plusieurs autres cas ont rapidement émergé, principalement dans la région Est, puis le type A s’est propagé à partir de la Californie vers le centre du pays. Il y a même eu des cas de co-infections par les types A et B dans le même troupeau, rendant le contrôle de cette maladie encore plus complexe.
En avril-mai 2024, le Canada a détecté ses premiers cas, principalement en Ontario et au Manitoba. Le Dr Sanei a mentionné que bien que les signes cliniques puissent varier en intensité selon les troupeaux, la gestion et d’autres infections concomitantes, les dindes semblent subir les conséquences les plus graves, notamment des infections respiratoires accompagnées de signes de conjonctivite, de sinusite et parfois de problèmes de coquilles d'œufs et de fertilité chez les producteurs. Le métapneumovirus aviaire reste très contagieux. Les troupeaux infectés présentent des signes variés allant de troubles respiratoires, comme des sinus gonflés (syndrome de la tête enflée), à des troubles neurologiques dans certains cas, ainsi qu’une baisse notable de la production d'œufs, surtout en hiver, bien que la gravité de la baisse dépende de l’âge du troupeau et d’autres facteurs de gestion. La gestion de la ventilation dans les bâtiments joue un rôle crucial dans la sévérité des signes cliniques, tout comme la co-infection avec d'autres agents pathogènes.
« You could get rid of the virus with disinfectant. However, it is extremely contagious and can potentially spread between farms and flocks. Proper disinfection at the end of the flock can reduce the chance of recurrence of disease. Survival times depend on the time of the year and from a diagnostic point of view, you need to be very fast or you may not have positive results. »
Dr Babak Sanei, Zoetis Inc., Canada
L’identification précise du virus est essentielle pour un contrôle rapide. Les tests de diagnostic, tels que la PCR et la sérologie, sont utilisés pour distinguer les différents types de métapneumovirus aviaire, permettant aux éleveurs et aux vétérinaires de mieux cibler leurs efforts de prévention et de traitement.
Contrôle des maladies avicoles déclarables et d’importance : Perspectives au Québec : un examen précis du Dr Ghislain Hébert
Le Dr Ghislain Hébert, de l’EQCMA, a souligné l'importance de la déclaration obligatoire des maladies pour contrôler leur propagation. Cette obligation, instaurée en 2016, vise à assurer la transparence et la sécurité dans l’industrie. Dans les zones à risque, les producteurs doivent impérativement appliquer ce règlement, soutenu par un système d'indemnisation pour les mesures promulguées. Un outil géomatique permet aussi de coordonner les actions entre les producteurs et les intervenants afin d'établir les mesures adaptées à la situation. De plus, trois niveaux de protocoles de biosécurité, récemment renouvelés, permettent une intervention plus ciblée.
« A geomantic tool has been developed so when we put in place a risk zone, we can define who is in the zone and we can implement the measures towards the number of people and the number of farms and businesses we have in it. »
Dr Ghislain Hébert, Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (EQCMA), Canada
Le Dr Hébert a également évoqué que l’EQCMA développe un plan de mesures d’urgence spécifiques pour des maladies telles que l'influenza aviaire, en collaboration avec l'ACIA, qui assure une prise en charge complète des maladies à déclaration obligatoire. Une communication efficace est essentielle dans ces situations : dès qu'un cas est détecté, des messages sont envoyés aux producteurs et aux parties prenantes concernant les informations pertinentes aux sites impliqués. Cette étape s’avère primordiale à la coordination des rôles des différentes parties impliquées dans la gestion de maladies ciblées.
Pour les cas graves nécessitant une dépopulation, l'EQCMA dispose de divers outils, tels que des équipements de gazage au CO2, et travaille au développement des solutions innovantes comme la mousse d'azote haut foisonnement. Ces technologies visent à garantir une gestion humaine et efficace des troupeaux infectés.
À la lumière des différentes conférences, un consensus se dégage sur la nécessité d'une résilience accrue, d'une innovation technologique, d'une collaboration renforcée entre les acteurs du secteur et d’un partage de données pour mieux prévenir les épidémies. Bien que des solutions comme la filtration de l'air existent, elles ne sont pas toujours accessibles. La vaccination, bien que prometteuse, n’est parfois pas disponible et dépend du pathogène causant les problèmes cliniques. Les défis posés par des productions locales et diversifiées, comme celles observées au Québec, nécessitent une attention particulière. Un diagnostic rapide et une coordination des ressources humaines sont essentiels pour faire face aux maladies émergentes. La communauté scientifique s'engage à continuer d'innover et à développer des outils technologiques pour mieux gérer ces enjeux à l'avenir.
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